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La Tendinopathie Rotulienne

1. Introduction

 

La douleur localisée dans le tendon, et ce plus précisément dans le tendon rotulien est souvent associée aux tendinopathies. Parfois confondue avec un syndrome fémoropatellaire (1), Ces dernières touchent les sportifs mais aussi les personnes inactives. Souvent, on parle du « jumper knee » ou « genou du sauteur » qui rappelle bien le fait que cette pathologie apparaît de manière fréquente chez les sportifs réalisant des extensions du membre inférieur au cours de leur pratique et ce de manière répétée (2). Comme nous l’avons vu la semaine dernière, lorsque l’on parle d’une tendinopathie, il est important de voir que celle-ci peut être due à différents facteurs comme le surmenage du tendon, l’irritation chimique du tendon par ischémie (provoquant une douleur) et l’hyper-innervation faisant suite à des ischémies répétitive (2)

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Afin de comprendre au mieux les mécanismes impliqués dans la pathologie, on peut se rapprocher du modèle du continuum décrit par Cook (3). Selon elle, il existe plusieurs phases dans le tendon qui se chevauchent : Tout d’abord, on retrouve le tendon dit « réactif » : cela correspond à une hyper-réponse du tendon à la charge proposée qui voit donc son numéro et sa taille de cellule augmenter. Le tendon gagne en volume sans souffrir.

Ensuite, vient la phase du tendon déstructuré où la possible récupération. Il se produit alors une désorganisation fibrillaire. Le problème de cette phase réside dans le fait qu’une déstructuration existe alors que celle-ci reste asymptomatique. Seule l’échoscopie permet de la révéler. Finalement, la dernière phase correspond à celle de la tendinopathie dégénérative où le tendon se meurt en essayant de recréer ce qui a été perdu en périphérie. Durant cette phase le tendon peut rester asymptomatique jusqu’au moment où une surcharge lui sera appliquer entrainant une décompensation et de la douleur. Ce modèle est important pour comprendre le rôle de la réhabilitation (3).

 

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Chez les patients en cours de croissance, cette pathologie peut être accompagné d’un syndrome d’Osgood-Schlatter (ossification) (2)

Lorsque l’on parle de tendinopathie patellaire ou rotulienne, il est important de faire la distinction entre tendinopathie quadricipitale et patellaire. En effet, si ces deux variantes sont souvent regroupées, il est important de noter que ces tendons fonctionnent ensemble mais que leur insertion anatomique et leurs rôles fonctionnels sont différents ! En effet, le tendon patellaire lie deux os ensembles alors que le quadricipital lie un muscle à un os. Ainsi, lors de la réception d’un saut, le tendon quadricipital absorbera plus de forces que le patellaire. De plus, si les fibres du tendon patellaire sont bien organisées de manière rectiligne pour permettre une meilleure transmission des forces, le tendon quadricipital lui présente des fibres organisées dans directions plus variées entrainant donc des forces de cisaillement intratendineuse (4).

 

Parmi les facteurs favorisant l’apparition de tendinopathie patellaire, on retrouve : les pieds plats, rigidité musculaire, atrophie du quadriceps, hyper mobilité de la rotule, la surcharge, le type d’entrainement ou de surface utilisée (2). Aussi, les cycles d’élongation raccourcissement rapides, le degré d’adiposité, l’âge ou le sexe masculin semblent impliqués (5,6)

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Physiopathologie (Issue de notre Instagram)

2. Diagnostic

 

Lorsqu’un patient présente une tendinopathie rotulienne, il sera important de prendre en compte son historique ainsi qu’une évaluation physique bien réalisée.

Au niveau historique, un patient montrera du doigt la douleur localisée sous la patella. (Comme vue dans la partie précédente, la tendinopathie variera en fonction du tendon impliqué, s’il s’agit du tendon patellaire, la douleur sera localisée au pôle inférieure de la rotule alors que pour un tendon quadricipital, la tendinopathie sera localisée au pôle supérieur de la rotule (4)). Généralement, le patient peut noter une augmentation du travail de l’articulation (entrainement, travail). La douleur apparaît au début de l’activité, et elle s’empire les jours après l’activité (6). Aussi, le thérapeute devra observer les facteurs de risque décrit précédemment (2,5,6)

En terme d’évaluation clinique, les signes fonctionnels sont la douleur associé à l’impotence fonctionnelle. Durant la palpation du tendon, il est parfois possible de percevoir un crépitement ou une tuméfaction sous cutanée. Il est cependant rare d’observer une rougeur ou une augmentation de chaleur locale.

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En terme d'expertise clinique, la zone antérieure du genou étant une zone de conflit, il est important de pouvoir réaliser un diagnostic différentiel de qualité (6):

  • Syndrome rotulien : douleur autour de la rotule que l’on retrouve à la marche et s’accentuant en descente, inconfort à la position assise. La douleur sera diffuse autour de la patella lors d’un squat. La douleur disparaît avec un taping correcteur

  • Syndrome de l’essuie-glace : Douleur à la face latérale du genou et sur le tractus iliotibial, tests de Noble et de Rennes positifs.

  • Subluxation patellaire : angle Q supérieur à 15° chez une jeune femme généralement, douleur importante avec test de subluxation positif

 

Finalement, après avoir abordé les tests cliniques, il est important d’aborder les échelles d’évaluation de la pathologie. On en retrouve classiquement deux :

  • Échelle de Blazina : Permettant d’évaluer l’implication fonctionnelle et la douleur, elle classifie la tendinopathie en trois stades (2) :

    • Stade 1 : douleur post activité n’influençant pas le rendement sportif

    • Stade 2 : douleur apparaissant en début d’activité mais disparaissant avec ll’échauffement et affectant de forme significative le rendement sportif

    • Stade 3 : Douleur apparaissant en dehors de l’activité obligeant le patient à laisser son activité sportive.

  • Échelle VISA-P (ou VISA-PF) : Récemment adaptée et validée en Français (8), cette échelle est composée de 8 questions faisant référence à trois domaines : la douleur (trois questions), les répercussions fonctionnelles (3 questions) et les conséquences dans l’activité (2 questions). Cette échelle permet un bon suivi du patient sportif.

 

Aussi, les échoscopies restent l’examen de référence pour visualiser les tendinopathies et apprécier leur évolution (9–11)

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Le thérapeute pourra ensuite réaliser une mise en tension passive du tendon (de manière précise par flexion), et une contraction résistée. Si le patient ressent une douleur lors de ces trois tests, cela signe la triade classique de la tendinopathie (7).

Le test le plus parlant reste le squat unipodal. Patient debout (ou sur une surface inclinée à 25°), on lui demande de réaliser un squat unipodal jusqu’à 90°. On note alors la douleur ressentie par le patient ainsi que l’angle réalisé (6).

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Squat Unipodal

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Échelle de Blazina

3. Traitement

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Afin d’aborder le traitement kinésithérapique, nous parlerons dans un premier temps des traitements EBP. Puis, nous nous intéresserons à ces traitements qui, même s’ils ne sont pas EBP, peuvent présenter un intérêt clinique.

  • Exercices excentriques (2,12,13) : Utilisés comme référence dans le traitement des tendinopathies lors des 10 dernières années, ces exercices pourraient améliorer les caractéristiques mécaniques du tendon. Cependant la charge doit être adaptée au tendon : Ils peuvent donc se réaliser manuellement par le thérapeute, par le patient en autonomie (incliné à 25°). La charge augmentera progressivement avec la récupération du tendon. Comme dit dans l’introduction, il faudra connaître la nature de la tendinopathie (7). S’il s’agit du tendon quadricipital, il faudra donc penser que ce tendon travaille dans la flexion de genou profonde (ou course externe). Par exemple, pourra proposer comme premier exercice un concentrique assis avec résistance manuelle ou poids (pour modérer la charge et être en flexion profonde). Cependant, cette mise en charge profonde peut ne pas être tolérable par le patient Il sera aussi possible de faire varier la position de la hanche ou du tibia pour travailler différentes couches (4). Dans un cas comme dans l’autre, une douleur modérée jusqu’à 5/10 pourra être acceptable. Tout seul, l’exercice excentrique n’est pas efficace.

  • Exercices isométriques (12,14) : Ces exercices, utiles dans le traitement de la douleur pourront être réalisés quotidiennement sous la forme suivante : 4 à 5 répétitions de 30 à 60 secondes avec au moins une minute de repos. La résistance doit être importante (environs 70% de la contraction maximale volontaire). On peut faire par exemple la chaise romaine (6).

  • Exercices concentriques / Heavy Slow Resistance (12,14) : Plus récents, ces exercices se distinguent légèrement : les exercices concentriques se réalisent à l’aide de poids (légers) et sur un temps de raccourcissement classique alors que le HSR utilise des poids élevés avec des temps de raccourcissement rallongés (>6s).

  • Exercices de type pliométrie (6,12) : utilisés en fin de rééducation, ils ont pour but d’améliorer le retour au sport ou à l’activité du patient. On peut proposer des splits squats ou des triple hops tests.

  • Ondes de choc (14) : Utiles dans la réduction de la douleur du patient

  • Injections de PRP (14) : utiles dans la réduction de douleur du patient.

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Intégration de ces exercices dans le modèle de Cook (6,12) : Comme vu précédemment dans le modèle de Cook, le tendon du patient passe par différentes phases au cours duquel il peut se dégénérer. Cependant, il se produit aussi une régénération en périphérie. Ainsi, un tendon dégénéré ne pouvant être amélioré, l’objectif du thérapeute et donc de limiter la prolifération dégénérative tout en améliorant le tissus récemment formé. Ainsi, le thérapeute peut proposer un suivi en fonction de l’évolution du tendon. Par exemple, on pourra commencer par éliminer les douleurs (limiter l’activité et isométrique), continuer en intégrant des exercices concentriques et excentriques pour finalement arriver à la pliométrie en fin de rééducation. Un maintien des acquis sera important.

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Finalement, certaines thérapies sont inefficaces comme les ultrasons, la sclérothérapie ou même contre indiqués comme les injections de corticostéroïdes (14). Dans un cas d’évolution supérieure à 6 mois, un traitement chirurgical peut être indiqué.

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MWM

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Intégration des exercices au modèle de Cook (Cf : Instagram)

Ensuite, d’autres adjuvants pourront être proposés même si leur efficacité clinique reste à prouver :

  • Strapping et contentions : utiles dans le management du patient, cela permettrait de réduire la douleur et les contraintes exercées sur le tendon.

  • Electrostimulation : L’utilisation de stimulation électrique peut faciliter la restauration de la fonction musculaire permettant d’assurer une charge adéquate sur le tendon (4).

  • Gestion du patient (12,14) : Éliminer la cause de tendinopathie (diminuer l’intensité et la fréquence mais pas forcément le volume), Limiter les comportements à risque qui complique la guérison du tissus en augmentant les symptômes.

  • Massage (15): Cela permettrait une diminution de la douleur

  • Recherche d’autres déficits (6) : travail de relâchement musculaire, de mobilité en rotation interne de hanche (dans les sports asymétriques comme le tennis).

Taping Quadriceps

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Romain Blanc

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Bibliographie :

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  1. King D, Yakubek G, Chughtai M, Khlopas A, Saluan P, Mont MA, et al. Quadriceps tendinopathy: a review, part 1: epidemiology and diagnosis. Ann Transl Med. 2019 Feb;7(4):71–71.

  2. Futbol Club Barcelona. Guia de la pràctica clínica de les tendinopaties: diagnòstic, tractament i prevenció. Apunts Med LEsport Engl Ed. 2012 Oct 1;47(176):143–68.

  3. Cook JL, Rio E, Purdam CR, Docking SI. Revisiting the continuum model of tendon pathology: what is its merit in clinical practice and research? Br J Sports Med. 2016 Oct 1;50(19):1187–91.

  4. Sprague A, Espley S. Distinguishing Quadriceps Tendinopathy and Patellar Tendinopathy: Semantics or Significant? J Orthop Sports Phys Ther. 2019;

  5. Peter Malliaras, Seth O’Neill. Potential risk factors leading to tendinopathy. Apunts Med LEsport Engl Ed. 2017;

  6. Hio Teng Leong, Cook JL, Docking S, Rio E. Physiotherapy Management of Patellar Tendinopathy in Tennis Players. Tennis Med. 2018;

  7. Bard H. Tendinopathies : étiopathogénie, diagnostic et traitement. EMC - Appar Locomoteur. 2012 Apr;7(2):1–18.

  8. Kaux J-F, Delvaux F, Oppong-Kyei J. Adaptation transculturelle et validation des questionnaires VISA-P et VISA-A en français. Sci Sports. 2016;

  9. Sans N, Lapègue F. Échographie musculosquelettique. Issy-les-Moulineaux: Elsevier Masson; 2009. 312 p.

  10. Hernandez G. Avaluació per Ultrasound Tissue Characterization dels tendons rotulars de jugadors de bàsquet; comparació entre professionals versus jugadors en formació, i asimptomàtics versus simptomàtics. Apunts Med LEsport. 2016;

  11. Domingo J. Nous mètodes de valoració de les tendinopaties de genoll en el ciclista. Apunts Med LEsport. 2010;

  12. Mascaro A. Load management in tendinopathy: Clinical progression for Achilles and patellar tendinopathy. Apunts Med LEsport Engl Ed. 2018;

  13. Mendonça LDM, Leite HR, Zwerver J, Henschke N, Branco G, Oliveira VC. How strong is the evidence that conservative treatment reduces pain and improves function in individuals with patellar tendinopathy? A systematic review of randomised controlled trials including GRADE recommendations. Br J Sports Med. 2019 Jun 6;bjsports-2018-099747.

  14. Burcal C. Best Practices in Patellar Tendinopathy Management: An Evidence to Practice Review. Clin Pract Athl Train. 2019;

  15. Gaida J, Cook JL. Treatment Options for Patellar Tendinopathy: Critical Review. Am Coll Sports Med. 2011;

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