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Le Syndrome de Dupuytren

1. Introduction:

 

La main est considérée comme un organe en elle-même. En effet, par ses fonctions multiples, elle donne à l’homme une condition lui permettant d’assurer sa suprématie tout en lui permettant de se nourrir et d’assurer ses besoins les plus primitifs (1). C’est ainsi que Kapandji (2) indique que la main et le cerveau forme un couple fonctionnel. Cependant, de par sa complexité, elle est le siège fréquent de pathologie traumatiques ou dégénératives par exemple.

Parmi les pathologies que l’on retrouve de manière fréquente à la main, la maladie de Dupuytren constitue un syndrome fréquent et problématique. Non considérée comme dégénérative, elle est irréversible malgré les traitements appliqués.
Cette pathologie a une prévalence de 3,5 à 11% en Angleterre et au Danemark avec une préférence chez les hommes (3). Elle touche environs 4% de la population mondiale (4).

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En terme de facteurs de risque, les facteurs les plus reconnus sont l’âge et le sexe (les hommes et un âge supérieur à 45 ans entraine une augmentation du risque). Le diabète, le tabagisme et l’alcool favorisent l’apparition de la maladie tout comme les activités manuelles intenses et répétées (et notamment avec vibration comme les personnes travaillant à l’équipement). D’autres facteurs semblent impliqués comme le VIH, la dyslipidémie. Certains facteurs héréditaires seraient impliqués puisque la prévalence de la maladie est plus importante chez les personnes ayant un membre de la famille présentant la pathologie ou ayant des racines nord européenne (3,6).

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Au niveau pathologique, cette pathologie touche le complexe aponévrotique palmaire superficielle et digitale. La première peut être divisée en trois parties : l’aponévrose palmaire centrale, la latérale (radiale) et la médiale (ulnaire). Cette aponévrose s’étend globalement depuis la partie distale du tendon du long palmaire jusqu’aux doigts longs. En fonction du développement de la pathologie, certaines zones de l’aponévrose palmaire ou digitale seront plus atteintes. Généralement, l’aponévrose centrale est la zone principale d’activité de la pathologie (5). Au niveau physiologique, c’est le myofibroblaste qui, possédant une partie contractile et une partie fibroblastique. Ces cellules produisent alors de la fibronectine (une colle entrainant l’adhérence des cellules entre elles) avec une contraction parallèle. Une fois mise en place, la pathologie risque de produire des nodules (hypertrophie de l’aponévrose), des ombilications (rétraction de l’aponévrose) ou des brides (alias « cordes » traduisant une hypertrophie diffuse) (3).

Main Typique d'un Dupuytren

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2. Diagnostic:

 

Une fois éclairci la physiopathologie et les facteurs de risque, il sera important de réaliser un diagnostic de qualité même si cette pathologie présente un tableau clinique facilement identifiable. Au niveau de l’anamnèse, le patient présente généralement une déformation des doigts en flexion de la métacarpo-phalangienne et de l’inter-phalangique proximale. Cette déformation peut être bilatérale dans les cas les plus avancés mais est souvent asymétrique.

 

À l’observation, le patient peut présenter des nodules (qui sont fixés à la peau et au fascia), des ombilications (rétraction de l’aponévrose) ou des brides (alias « cordes ») accompagné d’un amincissement de la peau (3). Un cas de déformation classique est le doigt en

« boutonnière ». Il se caractérise par une extension de l’inter-phalangique proximale couplé à une extension exagérée de l’inter-phalangique distale. Ces déformations sont localisées principalement au 4ème , 5ème et 3ème doigt (3,6). La pathologie débute généralement par un doigt jusqu’à obtenir une aponévrose palmaire totalement déformée.

En terme de tests cliniques, le praticien peut utiliser un test lui permettant de valider la présence de cette pathologie :

  • Douleur : Mesurée à l’aide d’une EVA

  • Goniométrie : Mesurée par un goniomètre ou à l’aide d’un fil de fer (7)

  • Force du Grip : il a pour objectif d’évaluer la force de préhension. Il faudra donc noter l’intensité de douleur et la force développées par ce test. On pourra utiliser un appareil de type « Jamar ».

  • Sensibilité : Static 2-Point discrimination ou test du monofilament.

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En terme d’examen Complémentaire, la réalisation d’examens complémentaires ne semble pas utile et l’examen clinique se suffit à lui-même. Cependant, un scanner ou un IRM permettent d’apporter des informations quant à un diagnostic différentiel (6).

 

Après avoir abordé les examens complémentaires et obtenu un diagnostic précis. Il sera important d’évaluer le retentissement de la maladie sur les activités du patient. Pour se faire, le thérapeute possède plusieurs outils à son choix :

  • URAM Scale (Unité Rhumatologique des Affections de la Main) : Échelle Française récemment validée (10,11), évalue 9 situations pouvant se révéler compliquées lors de la présence d’une maladie de Dupuytren. Cette échelle possède l’avantage d’être rapide à utiliser dans une pratique quotidienne. (Échelle disponible dans l’article n°(11).

  • Échelle DASH : Forme abrégée du DASH, il se compose de 11 questions et permet d’évaluer la fonction et les symptômes des personnes souffrant de pathologie musculo squelettiques du membre supérieur. Dans le suivi de le syndrome de Dupuytren, il semble que celui-ci soit un bon outils pour suivre l’évolution (12).

  • Southampton Dupuytren's Scoring System (SDSS) : Échelle validée en anglais (13).

  • Échelle de Tubiana et Michon : échelle quantitative, elle permet d’évaluer un possible flexum des doigts en cinq stades. Lorsqu’il existe une déformation en boutonnière, l’angle en extension de l’inter-phalangique distale est additionné aux angles précédents (3). De petites variantes existe et sont décrites.

  • Le « table top test of Hueston » (6,8,9) : test simple, il consiste à demander au patient de poser le dos de sa main et de ses doigts sur la table (avec supination de l’avant- bras) et sans aide externe. L’examen est dit positif si le patient présente une impossibilité à la réalisation de ce test. Il traduit alors une atteinte avancée nécessitant un avis spécialisé.

Table Top Test

3. Traitement Conservateur :

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Après avoir abordé le diagnostic et les moyens d’évaluation du patient, il est désormais temps de s’intéresser aux traitements.
Le traitement de la maladie de Dupuytren est généralement médical voire chirurgical. En effet, si l’importance de la kinésithérapie comme traitement préventif de cette maladie est démontrée, les récentes études n’ont pu montrer l’efficacité scientifique du traitement kinésithérapique conservateur (14). Lorsque le patient est traité médicalement, il peut être réalisé une aponévrotomie à l’aiguille, une injection de collagénase ou une chirurgie (aponévrectomie ouverte, arthrodèse, greffe, etc..). Malgré tout, certains auteurs s’accordent à parler d’un traitement palliatif plus que curatif (6)

Dans tous les cas, un traitement pourra être appliqué en pré et post intervention.

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  • Traitement Préventif :

    • Évaluation générale du patient comme vue précédemment (goniométrie, force du grip, sensibilité et douleur) (7,14)

    • Massage frictionnel : une étude datant de 2012 a pu montrer que l’application de mobilisation des tissus mous améliore ou pourrait même éviter l’opération dans les stades précoces de la maladie (15). D’après certaines études, cette mobilisation doit être multi planaire et accompagnée d’un étirement maximal en extension du poignet, de la main et du 4ème et 5ème doigts (16).

    • Orthèses : Combiné aux massages et mobilisations des tissus, cela pourrait prévenir le développement de la maladie (15).

    • Chaleur avec mobilisations Passives ou postures articulaires (14).

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  • Traitement Post-Opératoire : Après l’opération, le thérapeute aura pour objectif de maintenir voire améliorer les amplitudes articulaires en extension, récupérer les activités fonctionnelles sur le plan moteur et sensitif, éviter l’œdème, limiter la fibrose cicatricielle et récupérer la mobilité analytique active des doigts (17). Cependant, peu d’évidence scientifique est à déclarer actuellement (4,14)

    • Exercices de mobilisations : Utiles avec une évidence modérée, ils devront être réalisés dans un premier temps de manière active (pour éviter une surtension) avant de proposer du passif (14) même si certains auteurs débutent par du passif avant l’actif (8). Dans tous les cas, cela doit être réalisé par séries courtes non douloureuses. Il est aussi possible d’appliquer des mobilisations spécifiques au niveau des doigts, métacarpiens et carpe.

    • Orthèses : Utilisées sous leur forme fixes ou dynamiques, les orthèses nocturnes ne semblent pas apporter plus d’efficacité lorsqu’elles sont combinées à de la thérapie manuelle de la main. Il est à noter l’intérêt de placer la main en extension sans produire une tension exagérée qui semble moins intéressante qu’une légère flexion tant en termes de qualité de la cicatrisation qu’en termes de réaction inflammatoire. Ces orthèses seraient indiquées de manière plus importante chez les patients présentant un flessum augmentant post-opératoire (8,14,18).

    • Drainage (8,9) : Ce drainage doit éviter la mise en tension cicatricielle (par distraction). Un drainage par compression intermittente peut être mise en place. Elle serait d’ailleurs plus efficace que dans la compression constante (18)

    • Cryothérapie (8) : la cryothérapie ne sera pas appliquer en contact direct avec la cicatrice mais pourra prendre la main en Sandwich. La main pourra être placée en déclive. Afin d’évacuer l’œdème lorsque ce dernier est présent.

    • Électrothérapie (8) : Utilisée sous forme de TENS ou sous forme d’électrostimulation avec mobilisations actives lorsque le patient les tolèrent.

    • Travail cicatriciel (8) : traitement par massages péri-cicatriciels et cicatriciels avec pressions glissées, techniques de palper rouler, ultrasons (lorsque la cicatrice est fermée) ou dépresso-thérapie.

 

Même si l’évidence reste bancale, un protocole de prise en charge post rééducation a été décrit par Gregory Mesplié (8)

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Romain Blanc

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  1. Boutan M. Rééducation de la main et du poignet: anatomie fonctionnelle et techniques. 2013.

  2. Kapandji A-I, Tubiana R. Anatomie fonctionnelle 1 : Membres supérieurs. Physiologie de l’appareil locomoteur. 6e Ã©dition. Paris: Maloine; 2005. 351 p.

  3. Beaudreuil J, Lellouche H, Roulot E, Orcel P, Bardin T. Maladie de Dupuytren. EMC - Appar Locomoteur. 2011 Jan;6(4):1–13.

  4. Ball C, Izadi D, Verjee LS, Chan J, Nanchahal J. Systematic review of non-surgical treatments for early Dupuytren’s disease. BMC Musculoskelet Disord. 2016 Dec;17(1):345.

  5. Rayan GM. Dupuytren Disease: Anatomy, Pathology, Presentation, and Treatment. J Bone Jt Surg. 2007 Jan;89(1):189–98.

  6. Wendahl A, Abd-Elsayed A. Dupuytren’s Contracture. In: Abd-Elsayed A, editor. Pain [Internet]. Cham: Springer International Publishing; 2019 [cited 2019 Oct 31]. p. 1243–5. Available from: http://link.springer.com/10.1007/978-3-319-99124-5_266

  7. Dufour M, Colné P, Barsi S. Masso-kinésithérapie et thérapie manuelle pratiques. Pack de 3 tomes: Pack 3 Tomes. 2e Ã©dition. Elsevier Masson; 2017. 1152 p.

  8. Mesplié G, Arrate B, Chauvet J-F, Grelet V, Mesplié J. Rééducation de la main. Tome 2, Tome 2,. Montpellier: Sauramps médical; 2013.

  9. Mesplié G. Hand and wrist rehabilitation: theoretical aspects and practical consequences. 2015.

  10. Beaudreuil J, Allard A, Zerkak D, Gerber RA, Cappelleri JC, Quintero N, et al. Unité Rhumatologique des Affections de la Main (URAM) scale: Development and validation of a tool to assess Dupuytren’s disease-specific disability. Arthritis Care Res. 2011 Oct;63(10):1448–55.

  11. Bernabé B, Lasbleiz S, Gerber RA, Cappelleri JC, Yelnik A, Orcel P, et al. URAM scale for functional assessment in Dupuytren’s disease: A comparative study of its properties. Joint Bone Spine. 2014 Oct;81(5):441–4.

  12. Budd HR, Larson D, Chojnowski A, Shepstone L. The QuickDASH Score: A Patient-reported Outcome Measure for Dupuytren’s Surgery. J Hand Ther. 2011 Jan;24(1):15–21.

  13. Mohan A, Vadher J, Ismail H, Warwick D. The Southampton Dupuytren’s Scoring Scheme. J Plast Surg Hand Surg. 2014 Feb;48(1):28–33.

  14. Turesson C. The Role of Hand Therapy in Dupuytren Disease. Hand Clin. 2018 Aug;34(3):395–401.

  15. Larocerie-Salgado J, Davidson J. Nonoperative treatment of PIPJ flexion contractures associated with Dupuytren’s disease. J Hand Surg Eur Vol. 2012 Oct;37(8):722–7.

  16. Christie WS, Puhl AA, Lucaciu OC. Cross-frictional therapy and stretching for the treatment of palmar adhesions due to Dupuytren’s contracture: A prospective case study. Man Ther. 2012 Oct;17(5):479–82.

  17. Jelassi M, Sassi F, Ben Youssef M. Maladie de Dupuytren : rééducation et appareillage. Kinésithérapie Rev. 2015 Feb;15(158):63.

  18. Huisstede BM, Gladdines S, Randsdorp MS, Koes BW. Effectiveness of Conservative, Surgical, and Postsurgical Interventions for Trigger Finger, Dupuytren Disease, and De Quervain Disease: A Systematic Review. Arch Phys Med Rehabil. 2018 Aug;99(8):1635-1649.e21.

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